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Beenu a été mariée à 13 ans. La même année, elle est tombée enceinte. Elle a vécu trois ans avec son mari, jusqu’à ce qu’il la mette à la porte. Elle a alors été contrainte de retourner chez ses parents. N’étant pas en mesure de subvenir aux besoins de son enfant, elle est partie pour Sonarpur pour tenter d’y trouver du travail en tant que domestique, laissant son jeune fils à ses parents. À Sonarpur, elle s’est liée d’amitié avec une jeune femme qui l'a droguée et l'a emmenée dans une maison close. Beenu a pensé qu’elle n’avait pas d’autre choix, qu’elle n’avait nulle part où aller, qu’elle n’avait reçu aucune éducation et ne possédait aucune compétence susceptible de lui ouvrir les portes du marché du travail, et qu’elle devait subvenir aux besoins d’un fils. Les sept premiers mois, la femme qui l'avait emmenée dans la maison close a confisqué la totalité de ce qu'elle gagnait. Sept à huit hommes achetaient quotidiennement son corps, pour 50 Rs (1,25 $ US) par éjaculation ou 200 Rs (US$5) pour la nuit. Il lui arrivait de gagner jusqu’à 100 Rs (2,50 $ US) par jour. La patronne de la maison close en gardait la moitié. Beenu payait 10 Rs (25 c. US) pour la nourriture et entre 15 Rs et 20 Rs (50 c. US) pour les médicaments, le tabac ou l’alcool. Elle arrive à économiser environ 600 Rs (15 $ US) par mois, qu’elle doit utiliser pour s’acheter des vêtements et du maquillage. Elle parvient seulement à économiser 200 Rs (5 $ US) par mois pour son fils. Beenu décrit ainsi le genre d’hommes qui fréquentent la maison close : « nombreux sont ceux qui consomment de l’alcool avant de venir ici. Certains veulent des trucs pervers. Si on refuse, ils se comportent abominablement. Ils vous battent ou vous mordent. » Beenu ne peut pas se protéger du VIH/SIDA. « Rares sont les hommes qui acceptent d’utiliser un préservatif », dit-elle. « Et s’ils ne veulent pas, je ne peux pas les y contraindre. » Elle ne peut pas non plus refuser l’un ou l’autre de ces acheteurs de sexe commercial, car si elle agissait de la sorte, elle serait battue par le propriétaire de la maison close ou abandonnée sans autre moyen de survivre. Beenu a tenté de mettre fin à ses jours à plusieurs reprises. « Auparavant, j’avais fréquemment le sentiment que cela ne servait à rien de continuer à vivre », raconte-t-elle.
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