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Nul doute, « Tango 3.0 » pousse encore plus loin le pitch : la rénovation du tango, de tous côtés et quitte à en déborder, sans jamais prétendre en faire le tour définitif, mais toujours avec ce subtil parfum d’ambiguïté. En créant tout à la fois des chansons au format pop et des instrumentaux savamment orchestrés, Gotan Project outrepasse le carcan dans lequel certains avaient cru bon de les confiner. Si l’électronique et le tango restent plus que jamais les deux matrices, il serait néanmoins vain de réduire Gotan Project à cette formule. Aujourd’hui, comme hier, il s’agit avant tout de raconter des histoires, celles éternelles de l’imaginaire tango, des amours troubles pour de tranchantes allégories, des chevauchées « cinématiques » qui en appellent à l’âme des gauchos… Et au-delà, celle de tout un pays, l’Argentine. Version désenchantée quand Cristina Vilallonga (dé)chante la « Desilusión », qui suivit le krach de 2001 : un tiers de la population plongera sous le seuil de pauvreté. Vision tragique d’un monde, le nôtre, lorsque sa voix se glisse dans un mégaphone et sur un minimal beat des plus sombres pour dénoncer le « Mil Millones » d’affamés qui peuplent la planète, citant au détour d’une phrase l’illustre Enrique Santos Discépolo. Versant mélancolique enfin, avec la mélodie qui conclut ce nouveau disque : « Érase una vez »… « Il était une fois », l’Argentine de l’âge d’or, El Dorado de tous les exils, melting-pot d’où surgira une bande-son aux lettres capitales : tango.
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